Chapitre 1
Fontaine le Château…
19 octobre…
Elle avait tout essayé… La lecture, la musique, le théâtre, le chant, le bricolage, le jardinage, même le cocooning, oui même ça, elle qui ne tenait déjà pas en place avant… Elle ne pouvait plus s’asseoir à la terrasse d’un café, se rendre à un concert, prendre le bus, le métro… Elle ne pouvait plus… Travailler était une galère… Être obligée de sourire, voire de rire, de parler, de communiquer… Les gens l’indisposaient jusqu’à en vomir… Elle se sentait mieux seule, chez elle, en sécurité… Ou au milieu de nulle part… Elle était devenue insomniaque, claustrophobe, agoraphobe, anthropophobe, kénophobe, nécrophobe, ochlophobe, et même misophone, à divers degrés, bien entendu, qu’elle s’efforçait de minimiser. Des mots auxquels elle s’identifiait, qu’elle adorait prononcer, non pas par savoir, mais pour provoquer… Des mots savants dont elle avait déjà oublié les définitions… Elle laissait le soin aux gens de les rechercher… Et puis, se refusant à affronter, il ne lui restait plus qu’à fuir… Courir… Courir pour le plaisir comme avant, mais aujourd’hui, le plaisir l’avait quittée. Alors, oui, elle allait continuer à courir, mais pour s’éloigner, vite, loin, le plus vite possible, le plus loin possible. Le fait de courir ne l’avait certes pas aidée à oublier, mais s’était révélé à elle comme une solution, presque une bénédiction. Affronter, ne jamais rien lâcher… Mais depuis ce soir-là, elle n’y arrivait plus… Elle n’arrivait plus à dire «  non », ce «  non » qui lui appartenait, que sa mère lui avait offert, comme un bouclier pour se protéger… Et c’est ce bouclier-là qu’ils avaient percuté, qu’ils avaient meurtri jusqu’à meurtrir sa chair, qu’ils avaient détruit jusqu’à détruire son âme… Elle préférait employer le terme «  Ils ». Elle ne voulait pas les nommer de peur de leur créer une existence, une vie. Lorsqu’un enfant naît, la première chose que ses parents font, est de le prénommer. C’est ce que l’on fait avec les choses qui nous entourent, pour que ces choses existent. Mais là, elle ne pouvait pas donner de nom… Trop facile et si difficile à la fois… Elle savait que devait s’achever rapidement sa période de soumission si elle voulait rebondir… Mais rebondir pour aller où, pour quel présent, pour quel avenir ? Ce «  non » réapparaissait dans ses pensées, mais tellement flou… Devait-elle en déduire un début de guérison, mais comment pourrait-elle guérir de cette plaie dont les berges ne s’affronteraient peut-être plus jamais, comme une crevasse que rien, ni personne ne pourrait combler ?
Elle tape sur le clavier et enfin, son choix s’est porté. Elle fera cette course. Le bulletin d’inscription en ligne est là, devant ses yeux… Et la date aussi… 13 novembre… Un défi, un vrai défi… Elle commence à remplir les cases, son nom… son prénom… sa date de naissance… Et elle réalise qu’elle va bientôt avoir… Peu importe son âge… Il n’y a pas d’âge pour la douleur… Les cases vides ont défilé et se sont habillées de hiéroglyphes… Elle fixe la case «  VALIDER », réfléchit… Surtout pas, idiote ! Sa main s’avance sur le clavier, son doigt tremble… Le curseur se déplace… Clic… Facile… La simplicité du geste… Un simple geste qui valide ton acte, ta décision… Comme un doigt sur une gâchette…
Lorsqu’elle ouvre sa boîte à lettres ce soir-là, tout bascule… Elle s’assoit au bord de la crise de nerfs… Cela ne finira donc jamais… Pourquoi elle ? Elle voulait juste courir, pour fuir, s’éloigner, jusqu’à peut-être oublier… Elle sèche ses larmes, se ressaisit… C’est une plaisanterie, une mauvaise plaisanterie… Qui pourrait être assez odieux pour ça ? Cet homme croisé au détour d’un chemin ? Elle ne sait plus quoi faire… En parler à la Police ? Ne pas tenir compte de ce qu’elle a sous les yeux, comme un affront ? Et si c’était vrai ? Mon Dieu ! Aaah, pourquoi avoir prononcé Dieu ? Elle se giflerait juste pour ça… Ni foi ni loi, voilà ce qu’elle voudrait… Elle froisse le papier et le jette avec colère dans ce qui lui sert de poubelle. Pauvre débile que celui ou celle qui lui aura envoyé cela ! Jamais elle n’obéira… Elle revient vers son canapé, se saisit de l’enveloppe Kraft, l’ouvre… Son bulletin d’inscription validé, un dépliant concis sur le déroulement de la course et le parcours, et son dossard, le 639… Tout devient flou, elle s’effondre…



Chapitre 1


Fontaine le Château…
19 octobre…


Elle avait tout essayé… La lecture, la musique, le théâtre, le chant, le bricolage, le jardinage, même le cocooning, oui même ça, elle qui ne tenait déjà pas en place avant… Elle ne pouvait plus s’asseoir à la terrasse d’un café, se rendre à un concert, prendre le bus, le métro… Elle ne pouvait plus… Travailler était une galère… Être obligée de sourire, voire de rire, de parler, de communiquer… Les gens l’indisposaient jusqu’à en vomir… Elle se sentait mieux seule, chez elle, en sécurité… Ou au milieu de nulle part…

Elle était devenue insomniaque, claustrophobe, agoraphobe, anthropophobe, kénophobe, nécrophobe, ochlophobe, et même misophone, à divers degrés, bien entendu, qu’elle s’efforçait de minimiser. Des mots auxquels elle s’identifiait, qu’elle adorait prononcer, non pas par savoir, mais pour provoquer… Des mots savants dont elle avait déjà oublié les définitions… Elle laissait le soin aux gens de les rechercher…

Et puis, se refusant à affronter, il ne lui restait plus qu’à fuir… Courir… Courir pour le plaisir comme avant, mais aujourd’hui, le plaisir l’avait quittée. Alors, oui, elle allait continuer à courir, mais pour s’éloigner, vite, loin, le plus vite possible, le plus loin possible. Le fait de courir ne l’avait certes pas aidée à oublier, mais s’était révélé à elle comme une solution, presque une bénédiction. Affronter, ne jamais rien lâcher… Mais depuis ce soir-là, elle n’y arrivait plus… Elle n’arrivait plus à dire

«  non », ce «  non » qui lui appartenait, que sa mère lui avait offert, comme un bouclier pour se protéger… Et c’est ce bouclier-là qu’ils avaient percuté, qu’ils avaient meurtri jusqu’à meurtrir sa chair, qu’ils avaient détruit jusqu’à détruire son âme… Elle préférait employer le terme «  Ils ».

Elle ne voulait pas les nommer de peur de leur créer une existence, une vie. Lorsqu’un enfant naît, la première chose que ses parents font, est de le prénommer. C’est ce que l’on fait avec les choses qui nous entourent, pour que ces choses existent. Mais là, elle ne pouvait pas donner de nom… Trop facile et si difficile à la fois… Elle savait que devait s’achever rapidement sa période de soumission si elle voulait rebondir… Mais rebondir pour aller où, pour quel présent, pour quel avenir ? Ce

«  non » réapparaissait dans ses pensées, mais tellement flou… Devait-elle en déduire un début de guérison, mais comment pourrait-elle guérir de cette plaie dont les berges ne s’affronteraient peut-être plus jamais, comme une crevasse que rien, ni personne ne pourrait combler ?


Elle tape sur le clavier et enfin, son choix s’est porté. Elle fera cette course. Le bulletin d’inscription en ligne est là, devant ses yeux… Et la date aussi… 13 novembre… Un défi, un vrai défi… Elle commence à remplir les cases, son nom… son prénom… sa date de naissance… Et elle réalise qu’elle va bientôt avoir… Peu importe son âge… Il n’y a pas d’âge pour la douleur… Les cases vides ont défilé et se sont habillées de hiéroglyphes… Elle fixe la case «  VALIDER », réfléchit… Surtout pas, idiote ! Sa main s’avance sur le clavier, son doigt tremble… Le curseur se déplace… Clic… Facile… La simplicité du geste… Un simple geste qui valide ton acte, ta décision… Comme un doigt sur une gâchette…


Lorsqu’elle ouvre sa boîte à lettres ce soir-là, tout bascule… Elle s’assoit au bord de la crise de nerfs… Cela ne finira donc jamais… Pourquoi elle ? Elle voulait juste courir, pour fuir, s’éloigner, jusqu’à peut-être oublier… Elle sèche ses larmes, se ressaisit… C’est une plaisanterie, une mauvaise plaisanterie… Qui pourrait être assez odieux pour ça ? Cet homme croisé au détour d’un chemin ? Elle ne sait plus quoi faire… En parler à la Police ? Ne pas tenir compte de ce qu’elle a sous les yeux, comme un affront ? Et si c’était vrai ? Mon Dieu ! Aaah, pourquoi avoir prononcé Dieu ? Elle se giflerait juste pour ça… Ni foi ni loi, voilà ce qu’elle voudrait… Elle froisse le papier et le jette avec colère dans ce qui lui sert de poubelle. Pauvre débile que celui ou celle qui lui aura envoyé cela ! Jamais elle n’obéira… Elle revient vers son canapé, se saisit de l’enveloppe Kraft, l’ouvre… Son bulletin d’inscription validé, un dépliant concis sur le déroulement de la course et le parcours, et son dossard, le 639… Tout devient flou, elle s’effondre…